La prospective face à l’incertitude : et si les signaux faibles étaient une boussole ?

@Whaydon avril/25

Dans un monde saturé de données, gouverné par des indicateurs de performance immédiats, la tentation est forte de privilégier le mesurable au détriment du pertinent. Pourtant, Whaydon note que l’expérience des grandes entreprises industrielles démontre que ce sont parfois – pas toujours, mais de façon sensible – les signaux faibles qui préfigurent les vraies bifurcations.

Face à des transitions systémiques en Europe, en Chine et aux Etats-Unis (énergie, numérique, souveraineté, climat), la prospective redevient une fonction cardinale, à condition d’être profondément réinventée.

La prospective ne doit plus se contenter en 2025 d’élaborer des scénarios théoriques. Elle doit structurer une capacité organisationnelle à penser et agir dans l’incertitude.

Il ne s’agit pas de prédire, mais d’équiper l’entreprise ou l’institution publique pour explorer, s’adapter, pivoter. En ce sens, la prospective rejoint l’opérationnel : elle éclaire les arbitrages budgétaires, les choix d’investissement, les priorités R&D, les mouvements de portefeuille.

Dans ce contexte, le rôle de l’analyste stratégique évolue profondément. Il devient une sentinelle industrielle, capable de détecter l’émergence d’alternatives ou de ruptures avant qu’elles ne soient consolidées en tendances. Il mobilise des outils de plus en plus hybrides : war games / serious games – et Whaydon a l’expérience de ces outils -, simulations, cartographies de risques émergents, ateliers métiers inter-fonctionnels. Il crée les conditions d’un dialogue entre imagination et rigueur, entre intuition collective et données massives.

Mais la prospective ne se résume pas à une méthode. Elle est aussi un langage et un récit. Un levier pour embarquer les COMEX comme les équipes terrain dans une dynamique de transformation. Elle redonne du sens à l’action collective en projetant des futurs désirables, réalistes mais engageants. Elle est cette discipline qui accepte de penser lentement pour permettre à l’organisation d’agir vite.

En 2025, alors que les grandes entreprises françaises redéfinissent leur ancrage industriel, leur rapport au territoire et leur position dans les chaînes de valeur globales, la prospective offre une boussole. Elle ne promet pas la certitude – ce serait absurde, comme le rappelait Voltaire – mais une capacité à discerner.

Opinion | L’aide publique au développement après le choc Trump

L’UNOPS, l’UNODC, l’UNEP, le PNUD… La France subventionne des agences internationales qui peinent à justifier leur pertinence. Privilégions plutôt nos ONG et l’Agence française du développement, plaide Julien Serre, président de Whaydon consulting.

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-laide-publique-au-developpement-apres-le-choc-trump-2152152

La prospective dans les organisations internationales : que peuvent-elles apprendre des grandes entreprises ?

décembre 2024

les grandes entreprises ont professionnalisé leurs démarches d’analyse des futurs. En parallèle, les organisations internationales, longtemps perçues comme les gardiennes de la stabilité, peinent parfois à intégrer cette exigence de transformation rapide.

Pourtant, que ce soit à l’ONU ou à la Banque européenne d’investissement, les défis sont similaires : pilotage dans l’incertitude, fragmentation géopolitique, transition climatique, ruptures technologiques, pression sur les ressources. Alors pourquoi l’écart semble-t-il se creuser dans la manière dont les institutions publiques et les grands groupes privés mobilisent la prospective ?

L’ONU : une prospective éclatée et sous-capitalisée

Le système onusien intègre la notion de foresight depuis les années 1970. Le PNUD et le PAM (Programme Alimentaire Mondial) ont été précurseurs. Pourtant, en 2024, Whaydon constate que la prospective reste morcelée, dispersée entre le PNUD, le Secrétariat général, les agences spécialisées. Le “Global Pulse” ou les travaux du Policy and Foresight Unit de l’UN75 n’ont pas permis d’instaurer une culture durable de la scénarisation stratégique. L’ONU reste focalisée sur la réponse aux crises immédiates. Saura-t-elle répondre aux demandes de modernisation ? Sa temporalité reste dominée par le court terme politique, les fenêtres budgétaires et les consensus diplomatiques.

Leçons à tirer :

  • Structurer une démarche inter-agences, continue, alignée sur les grandes fonctions de décision (SG, Conseil de sécurité, ECOSOC) ;
  • Intégrer des équipes mixtes (analystes, technologues, terrain) pour ancrer la prospective dans le réel ;
  • Oser une approche par scénarios disruptifs, y compris sur les limites du multilatéralisme.

La BEI : entre ingénierie du risque et hésitation stratégique

La Banque européenne d’investissement développe des outils d’évaluation des risques de long terme (climat, durabilité, chaîne de valeur industrielle). Sa stratégie climat à horizon 2030 ou son soutien au Green Deal européen intègrent des éléments prospectifs. La BEI doit faire encore progresser sont modèle qui est linéaire : analyse, financement, contrôle. La prise de risque stratégique, surtout si on lui demande de faire plus pour la Défense en Europe, ne doit pas être excessivement bridée par la gouvernance (États membres) ; la prospective, souvent déléguée à des consultants externes, devra être internalisée.

Leçons à tirer :

  • Passer de la conformité à la transformation : intégrer la prospective dans l’allocation du capital et le dialogue avec les clients ;
  • Formaliser une cellule interne de foresight associée à la planification stratégique ;
  • Adopter des outils plus dynamiques : simulations, war games, cartographies de ruptures. Whaydon en a testé plusieurs.

VINCI, AIRBUS, ENEL : trois modèles d’anticipation stratégique

VINCI, à travers son programme Leonard, a créé une structure dédiée à la prospective et à l’innovation ouverte. Elle combine animation de communautés, incubation, scénarios et réflexion stratégique à long terme. Leonard travaille sur les villes, l’hydrogène, la résilience des infrastructures – avec une capacité à traduire les signaux faibles en feuilles de route.

AIRBUS, avec ses divisions futures (UpNext, Blue Sky) et son Strategic Foresight Lab, développe des scénarios technologiques, géopolitiques et climatiques à long terme, intégrés à la stratégie industrielle. L’entreprise pratique des exercices de prospective militaire (future combat systems) et des stress tests industriels.

ENEL, acteur clé de l’énergie, a intégré une prospective forte à son pilotage stratégique à travers son « Scenario Planning Office ». L’entreprise structure son portefeuille autour de scénarios de transition énergétique, d’évolution de la régulation carbone, et de mutation des usages. Elle utilise des outils de modélisation prospective internes, au service des investissements à horizon 2040.


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Conclusion : apprendre l’agilité sans trahir la mission

Les organisations internationales ne doivent pas imiter les entreprises. Leur mission, leurs contraintes, leur légitimité sont spécifiques. Mais elles peuvent tirer trois leçons majeures :

  1. Institutionnaliser la prospective, en l’intégrant au cœur du cycle décisionnel, pas comme une note en annexe.
  2. Oser des hypothèses dérangeantes, y compris sur leur propre rôle dans un monde en mutation.
  3. Investir dans la transversalité, en créant des espaces partagés entre data, géopolitique, technologie et terrain.

Whaydon est à votre service dans ces évolutions.

Peut-on encore penser le long terme dans un monde piloté par les KPI ?

Whaydon, 27/01/2024

Réconcilier performance immédiate et cap stratégique —

Dans une grande entreprise, comme dans une grande institution internationale, chaque décision est pesée, calibrée, validée.

Chaque initiative est indexée à des objectifs trimestriels, des tableaux de bord, des retours sur investissement mesurables. Et pourtant, tout autour, les signaux faibles se multiplient : dérèglement climatique, ruptures technologiques, tensions géopolitiques, nouvelles attentes sociétales. Le réel s’accélère… mais la stratégie se raccourcit.

📉 Le court terme rassure : il est tangible, chiffrable, contrôlable. Mais à force de ne regarder que ce que l’on sait mesurer, on cesse de voir ce qui compte vraiment.
📈 Le long terme, lui, inquiète : il est incertain, flou, spéculatif. Mais c’est lui qui conditionne notre capacité à durer, à anticiper, à transformer.

Dans mes expériences auprès d’organisations publiques et privées confrontées à des environnements instables — que ce soit pour repenser leur politique industrielle, adapter leur modèle d’investissement ou arbitrer des priorités sous contrainte — j’ai vu que la solution n’est pas de choisir entre performance et vision. Elle est de les articuler.

💡 C’est là que la prospective stratégique devient clé. Elle ne prétend pas prédire, mais mettre en tension le présent avec plusieurs futurs possibles. Elle permet d’aligner les décisions d’aujourd’hui avec les conditions de réussite de demain. Elle transforme l’incertitude en levier de différenciation.

👉 Entretenir une feuille de route de long terme, ce n’est pas rêver hors sol. C’est permettre aux équipes d’arbitrer, de hiérarchiser, de résister aux urgences successives. C’est offrir aux dirigeants un cap robuste face aux aléas.

Et si la vraie audace, en 2024, c’était de reprendre le droit de penser à 5 ans ?
Pas pour rêver, mais pour agir mieux, maintenant.

Opinion | Gaza : l’Europe devra prendre toute sa place dans la reconstruction

A Gaza, l’heure reste à l’urgence humanitaire et à la lutte contre le Hamas. Mais la reconstruction de ce territoire dévasté doit s’anticiper. L’Union européenne aura un rôle important à y jouer, estime Julien Serre.

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-gaza-leurope-devra-prendre-toute-sa-place-dans-la-reconstruction-2028702

De la veille à la feuille de route : comment structurer une démarche prospective utile aux COMEX

9/11/2023 – @R&D @Whaydon

Dans les grandes entreprises industrielles françaises — qu’elles opèrent dans l’énergie, les infrastructures, l’aéronautique ou la défense — la prospective reste souvent cantonnée à la veille : un flux d’informations commentées, un radar de tendances, une bibliothèque de signaux faibles. C’est utile. Mais insuffisant.

Face aux bouleversements géopolitiques, aux tensions d’approvisionnement, à l’émergence d’IA impressionnantes en 2023 ou aux transformations climatiques, le temps est venu de passer à une prospective de décision : celle qui ne se contente pas d’observer le monde, mais qui outille les COMEX pour arbitrer, orienter, investir, désinvestir.

Le passage de la veille à la feuille de route nécessite un changement profond de posture :

  1. Choisir ses incertitudes critiques. Il ne s’agit pas de tout suivre, mais de déterminer les 3 à 5 variables systémiques qui conditionneront le cœur du modèle économique à horizon 5 ans. Pourquoi pas 10 ans ? Parce que c’est déjà trop loin au vu des transformations en cours.
  2. Croiser expertises internes et angles externes. Les ingénieurs savent ce qui est faisable. Je l’ai vu à la Banque européenne d’investissement aussi bien que dans des entreprises privées. Les prospectivistes quant à eux challengent ce qui est pensable. Enfin les stratèges en entreprise arbitrent ce qui est soutenable. Le futur se co-construit dans cette triangulation. Les discussions animées sont inévitables, et mieux, elles sont souhaitables.
  3. Articuler les scénarios à des options stratégiques concrètes. Un scénario pour 2024-2025 sans levier d’action est un roman. Ce qui compte, c’est de pouvoir dire : si le scénario X se confirme, alors nous ferons A, B ou C. Cela suppose des matrices de décision partagées, des “no-regret moves”, et des paris assumés. Il faudra ausi savoir abandonner un « dead horse ».
  4. Créer un lien organique avec les décisions COMEX. La prospective ne doit pas être une production parallèle. Elle doit infuser les décisions d’investissement, les feuilles de route technologiques, les trajectoires RH. Elle devient alors un actif politique et managérial. Cela vaut pour une entreprise du CAC40 aussi bien que pour une institution de coopération internationale.

Dans mes travaux récents sur les transformations industrielles (notamment dans les secteurs critiques ou régulés), j’ai pu constater qu’une prospective efficace ne dépend pas uniquement du budget, ni des outils, mais du niveau de confiance stratégique accordé à l’exercice. Lorsqu’elle est portée au plus haut niveau, avec exigence, elle redevient ce qu’elle doit être : un levier d’avance.

La bonne prospective n’est pas celle qui rassure, mais celle qui permet d’agir avant les autres.